Oui, je sais, shame on me. La bonne nouvelle, c’est que depuis que j’ai conscientisé ça, je chemine peu à peu vers une tolérance totale de tous les corps, quels qu’ils soient ✌️

La mauvaise nouvelle ? C’est que toi aussi, qui me lit, tu es ou a probablement été grossophobe.

 

Moi, grossophobe ? Jamais de la vie !

Petit exercice 🖐️ baisse un doigt si :

  • Ca te saoule quand un-e gros-se s’assied à côté de toi dans le bus ;
  • Quand un-e gros-se fait la file devant toi à la friterie, tu te dis qu’iel n’a quand même pas de volonté (ou bien ça t’a juste fait rire) ;
  • Tu as déjà fait un régime parce que tu te trouvais trop gros-se ;
  • Tu as déjà porté une gaine ou un autre sous-vêtement amincissant ;
  • Tu trouves que chacun-e fait ce qu’iel veut mais quand tu y réfléchis, tu n’as jamais été attiré-e physiquement par une personne grosse.

Après cet exercice, si tu n’as baissé aucun doigt, il y a de grandes chances que tu sois toi-même gros-se, ou alors pas tout à fait honnête avec toi-même 😜

Et si tu as baissé un ou plusieurs doigts, tu es sans doute en train d’essayer de te justifier, de penser que « oui mais j’ai une explication tout à fait légitime en fait, c’est pas de la grossophobie, je suis une bonne personne ».

Si ça peut te rassurer, tu n’es pas seul-e, je te l’ai dit : nous sommes tou-te-s grossophobes ! 

 

Déjà, de quoi on parle exactement ? 

👩‍🏫 Si tu ne sais pas exactement ce que signifie le terme « grossophobie », c’est normal : il n’a fait son entrée au Robert qu’en 2019, bien qu’il aie fait sa première apparition 25 ans plus tôt ! 

Littéralement, grossophobie, ça veut dire « la peur des gros-se-s ». Ca pourrait aussi se traduire par « la peur d’être gros-se » ce qui ajoute une nuance : si on est dans un rapport à l’autre, c’est également toujours en miroir à un rapport à soi. 🪞

Plus généralement et officiellement, la grossophobie désigne « l'ensemble des comportements, discriminations et oppressions manifestés à l'encontre des personnes grosses ».

 

Être gros-se et grossophobe ? Non seulement c’est possible, mais c’est même assez courant. Par exemple, 9 personnes obèses sur 10 préféreraient être amputées d'une jambe, devenir muettes ou aveugles plutôt que de rester obèses (Source : Solenne CAROF, Grossophobie, Paris, Editions de la Maison des sciences de l’homme, 2021, p149). Une adulte grosse me confiait récemment avoir souvent dit à son enfant (également en surpoids) :

« ne mange pas autant si tu ne veux pas finir comme moi ! ».

 Evidemment, les personnes minces font également preuve de grossophobie, que ce soit envers elles (régimes, filtres photo, …) ou envers les autres (humiliation, moqueries, …). Cela dit, beaucoup de ces comportements peuvent aussi être intériorisés au point qu’ils en deviennent inconscients.

Comme tu le sais peut-être, j’ai décidé d’offrir un mètre ruban à chaque personne qui en fait la demande, pour qu’iel puisse prendre ses mensurations correctement et ainsi réaliser des vêtements sur mesure qui sont adaptés à la morphologie de chacun-e. Je ne me posais aucune question là-dessus jusqu’à ce que @lagrossemargot me le fasse remarquer : un mètre ruban classique c’est 150 cm. Ais-je pensé aux personnes dont les mensurations sont plus larges ? Non évidemment ! 🤦‍♀️

mètre ruban grossophobie grossophobe mode sur mesure mesurer mensurations

Photo : Patricia Serna via Unsplash

Si mon intention n’était pas de blesser, imagine la réaction d’une personne grosse qui recevrait ce cadeau et serait incapable de l’utiliser ?

Hé oui, même avec les meilleures intentions, on peut faire preuve de grossophobie sans s’en rendre compte !

Rassure-toi, depuis cette discussion, j’ai cherché des fournisseurs de mètre rubans plus longs (et plus cher, mais ça, c’est mon problème !).

 

Society made me do it

Alors c’est l’excuse la plus clichée du monde, mais je me dois de l’aborder : si nous sommes grossophobes, ce n’est pas seulement en tant que personne, mais en tant que société.

🎞️ Tu as déjà vu un film dont l’héros-ïne était gros-se (et dont le but n’était pas de maigrir) ? Dans ta hiérarchie au travail, y a-t-il des gros-ses en haut de la pyramide (+1 si ce sont des femmes)? As-tu déjà vu un bourrelet dans un média, quel qu’il soit, dans un sujet qui ne traite pas de grossophobie ou d’obésité ?

Quand on cherche des représentations positives de gros-ses, on peut facilement tomber sur les clichés du « gros un peu marrant » (Ricky Gervais à ses débuts), de la « meilleure amie grosse » (coucou Gilmore Girls !). Oui, les choses évoluent. Oui, il y a de plus en plus de gros-ses dans les médias. Mais ce qui est inquiétant, c’est qu’il y en a toujours proportionnellement beaucoup trop peu par rapport à leur nombre réel, dans la société !

Et je ne parle pas que de Netflix. Je parle aussi ici des émissions télé (de Hanouna à Quotidien), radio (les chroniqueur-euse-s de France Inter sont fit !), et tous les supports visuels (publicitaire ou non) auxquels nous sommes soumis-es quotidiennement. 

quotidien chroniqueurs chroniqueuses equipe france télévision yann barthes grossophobie mince

🤨 Est-ce que le monde des médias est discriminant ? Sans doute. De manière générale, tout le monde semble s’accorder sur le fait que les personnes grosses sont discriminées dans leur parcours professionnel, ce secteur ne fait donc pas exception. On observe le même phénomène dans les métiers d’accueil ou de vente : les personnes minces sont favorisées car jugées comme plus belles 💃 Et même dans les métiers où il n’y a aucun contact avec lae client-e, les gros-ses sont vu-e-s comme plus paresseux-ses, plus lent-e-s, plus faibles d’esprit…

C’est la société qui crée les gros-ses (malbouffe, rythme de vie effréné, etc) et qui en même temps fait tout pour les cacher.

Oui, Assia, c’est bien beau, mais en attendant, les gros sont en mauvaise santé, c’est normal de vouloir les éradiquer non ?

Haaa la santé ! L’argument grossophobe n°1. Oui, l’obésité peut conduire à de plus grands risques cardio-vasculaires. Non, tou-te-s les gros-ses ne sont pas concerné-e-s par ça. Avoir une alimentation équilibrée, peu de produits transformés, faire du sport régulièrement, dormir 8 heures par nuit, ne pas boire d’alcool… Tous ces comportements nous permettent d’être en « bonne santé ». Est-ce que ça veut pour autant dire que les gros-ses ne font rien de tout ça ? 🏃🍎🛌🧋

Il y a des tas de raisons qui expliquent un surpoids : génétiques, sociales, culturelles, financières… Et si, au lieu de combattre les obèses, on combattait les raisons malsaines qui ont amené des personnes à être en mauvaise santé (obèses ou non) ?

On peut être mince en enchaînant les excès, comme on peut être gros-se en ayant une activité physique régulière.

Je pourrais encore écrire des dizaines de lignes sur le sujet, mais je préfère te renvoyer au super rapport du CVFE sur la question. Dans le cadre d’un travail sur le « corps politique », iels se sont interrogé-e-s sur les causes et conséquences de la grossophobie, et nous livrent une analyse fouillée et très précieuse, qui donne la parole à des personnes concernées !

Ok, maintenant qu’on sait ça, qu’est-ce qu’on fait ?

Parce que c’est toujours plus facile de dénoncer que d’agir je me devais de terminer cet article avec quelques pistes de solutions : spoiler alert ! Y a pas de remède miracle. Malheureusement, pour quelque chose d’aussi ancré dans notre société que la grossophobie, il va falloir beaucoup, beaucoup de petits efforts individuels, couplés à une réelle action politique de la part des pouvoirs publics, des médias, des associations, des entreprises… Bref, on n’est pas sorti-e-s de l’auberge !

Cela étant dit, chacun-e peut quand même déjà agir à son échelle en :

🔎 Reconnaissant sa propre grossophobie ;
🔧 Déconstruisant ses propres préjugés ;
🤝 Tendant la main à des personnes victimes de grossophobie.

 Et puis, si tu es acteurice du monde public (en gros, si tu n'es pas ermite), tu peux également aller un pas plus loin en :

📣 Abordant la problématique avec tes collègues, amis, famille ;
💺 Proposant des ajustements dans les lieux où tu travailles et où tu te détends ;
💡Adaptant tes propres espaces pour qu’ils soient plus inclusifs.

 

Faire des vêtements sur mesure, au même prix quelle que soit la taille, c’est une manière concrète de m’engager dans la lutte contre la grossophobie. J’espère être une alliée, en prenant petit à petit conscience de mes biais et en y allant à l’essai-erreur. Ma prochaine étape : montrer des avatars 3D vraiment gros. Avec des bourrelets et des vergetures. Et montrer qu’iels aussi peuvent être stylé-e-s ! Ca va prendre encore un peu de temps, mais j’en discute avec les développeurs du programme qui réfléchissent également à cette thématique d’inclusivité.

 

Bref : le chemin est encore long. Mais si tu as lu cet article jusqu’au bout, tu es probablement déjà un peu plus près du but qu’il y a 10 minutes ! 💪


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