Il y a quelques semaines, je postais un coup de gueule sur mes réseaux : je n’en peux plus du greenwashing. H&M, Zara, Primark,… bien sûr, toutes ces enseignes me rendent dingue.

Mais ce qui m’énerve autant (voire plus), ce sont les autres marques. Celles qui se présentent comme vertueuses, alternatives et résolument écologiques, alors qu’elles ne font que répéter les mêmes erreurs. Qui prennent la parole sur un sujet qu’elles ne maîtrisent pas, qui se positionnent comme une solution alors qu’elles font encore partie du problème.

Comment les repérer ? Dans cet article, je vous partage les 5 phrases clés qui réveillent mon radar à greenwashing 🚨

« Des vêtements indémodables, faits pour durer »

Une garderobe aux couleurs neutres photographiée dans un décor naturel : bienvenue à greenwashing land ! Depuis plusieurs années, beaucoup (mais vraiment beaucoup) de marques se sont mises à proposer des « basiques intemporels ». Leur postulat : comme ces vêtements ne se démodent pas, on peut les garder toute sa vie.

Perso, ce genre de phrases me fait grincer des dents. On a toustes déjà eu un t-shirt blanc ou un jeans, en fait. Et pourquoi s’en est-on débarassé-e ? Probablement car il était usé (genre déchiré à l’entrejambe) ou parce que notre corps avait changé, ou encore parce qu’on s’en était lassé-e, de ce modèle basique.

Pour qu’un basique soit vraiment intemporel, il lui faut plus qu’une coupe banale et une couleur passe-partout ! La seule marque (à ma connaissance) qui fait un vrai travail là-dessus c’est Loom. Avec un énorme travail de R&D sur la fibre, sur la coupe et la couture et, enfin, sur l’usure « normale », Loom repousse toujours plus loin les limites temporelles de ses vêtements. Et quand on voit ce qu’iels proposent, on peut difficilement s’empêcher de penser :

« à quoi servent toutes ces autres marques qui font des basiques intemporels moins bons ? »

Parce que justement, c’est bien là la limite des basiques intemporels : ils ont besoin d’être associés à des pièces un peu plus « dans l’air du temps » pour qu’on se sente prêt-e à les porter non stop, pendant plusieurs décennies. Alors, bien sûr, chacun-e son style. Perso, je reste fondamentalement attachée à l’idée que le vêtement est un moyen d’expression, et donc qu’on n’a pas toujours envie d’exprimer qu’on est basique 🙃 Donc, à partir du moment où on a les quelques indispensables d’une garderobe… on n’a pas besoin d’autres marques qui proposent « more of the same », mais bien de créateur-rice-s qui apportent une vision neuve et originale qui correspond à notre état d’esprit du moment, qui capturent le zeitgeist.

« Nous sommes une marque engagée dans la durabilité »

… ou dans l’écologie, ou la RSE, l’éthique… Bref, quand je lis une telle déclaration, qui qu’en soit l’auteur-rice, je me méfie. Ca veut dire quoi, exactement ? Y a-t-il des chiffres pour étayer ça ?

En ce qui concerne le désastre environnemental, notre vocabulaire ne manque pas de mots, par contre nos mots manquent de sens. Pour certain-e-s, il sera question de produire localement, mais iels n’auront aucune vision sur l’origine de leurs fibres. D’autres vont se concentrer sur des matières recyclées, sans prêter attention au coût écologique d’un envoi « dans les 24h ».

Quand on voit désormais que B-Corp certifie les pires acteur-rice-s de l’industrie simplement parce qu’elles sont dans un « work in progress » (coucou Nespresso), on prend réellement la mesure du gouffre entre paroles et actions.

Dès que quelqu’un utilise l’un de ces mots-valise, j’ai un réflexe : chercher ce qu’iel entend concrètement par là. Et, spoiler alert : souvent, c’est pas glorieux 🤷‍♀️

 

« Nous polluons moins que nos concurrents »

Ok, c’est bien. Mais être la-e moins pire, ce n’est pas être la-e meilleur-e. En termes d’écologie, la comparaison n’a de valeur qu’avec soi-même ! Un bilan carbone, par exemple, n’est réellement utile que si l’entreprise l’effectue tous les X ans, et tente continuellement de diminuer ses propres émissions. En se comparant aux autres acteur-rice-s d’une industrie ultra polluante, on effectue en fait un nivellement par le bas, où les pires boites servent d’étalon de mesure.

Typiquement, quand une marque à qui on pose la question de ses engagements vous répond par « regardez la fast fashion », c’est très probablement (consciemment ou pas) une manœuvre de diversion.

Attention, je ne suis pas en train de critiquer les petites entreprises et d’encenser les géants de l’industrie : bien entendu, les grands groupes et la fast fashion sont les pires. Et bien entendu, ce sont leurs efforts (actuellement à peu près inexistants) qui auront le plus d’impact. Mais en tant que (petite) marque, on n’a en fait aucune prise là-dessus, aucune possibilité de faire changer ces entreprises. Par contre, ce qui est sous notre contrôle, ce sont nos propres actions. Et non, être « moins pire que Primark » n’est malheureusement pas forcément une bonne nouvelle pour la planète.

 

« On compense nos émissions en CO2 »

Ok, cool. Donc vous vous achetez une bonne conscience.

« Compenser les émissions » c’est en fait une manière détournée de dire « on continue à polluer comme avant mais on finance des plantations d’arbres ». Ce système a en fait été créé, à la base, pour compenser les émissions de CO2 que l’entreprise n’arriverait pas à supprimer. Sauf qu’à l’heure actuelle, cela permet surtout aux industries de continuer leur business as usual en reversant une petite partie de leur bénéfice à une bonne cause 😇

Mais est-ce vraiment un problème ? Finalement, si leur argent permet de compenser leurs émissions en plantant des arbres, c’est pas mal non ?

Sans rentrer dans les détails techniques, disons qu’il y a des limites réelles à ce mode de pensée (temps nécessaire à un arbre pour pousser, surface disponible pour planter des arbres, énergie utilisée pour cette plantation…) alors que les émissions continuent sans cesse de croître, puisque l'entreprise ne change pas son business en profondeur.

« On ne peut pas mener tous les combats de front. Il faut choisir un élément du processus, et le perfectionner à fond »

Par exemple, utiliser la laine la plus écologique possible pour ses pulls, développer toute une filière exemplaire sur ce sujet, et s’occuper du coton plus tard. Ca, c’est peut-être le plus gros biais dans la compréhension actuelle, des créateur-rice-s et consommateur-rice-s de ce qu’est le problème.

Croire qu’on va résoudre la crise environnementale actuelle en s’attaquant à « un problème à la fois », c’est non seulement faux, mais c’est aussi inutile.

La méprise la plus courante, actuellement, c’est de penser que le réchauffement climatique est le problème. Or, il n’est qu’un symptôme. Acidification des océans, appauvrissement des sols, pollution de l’air, diminution de la biodiversité… Ce sont toutes ces limites planétaires, dépassées en même temps, qui nous poussent à notre perte. Si seulement il n’y avait que le CO2 !

En réalité, le problème est plus complexe, il est systémique. Et qui dit système dit interconnexion. Vouloir isoler un seul élément du système pour le rendre « plus vert », c’est mettre des œillères sur l’origine réelle du problème : le système lui-même (en l’occurrence, le capitalisme, qui détruit un autre système : la Terre). La personne qui explique le mieux tout ça, c’est Arthur Keller. 

(oui, je sais, ça dure longtemps. Mais c’est vraiment la base si vous voulez comprendre réellement ce qui se passe à l’heure actuelle : regardez aussi la première heure de la conférence, ultra riche en apprentissages).

 

Au-delà de la question écologique, cette logique me dérange parce qu’elle sert aussi d’argument à tous les détracteurs du féminisme, des luttes LGBTQIA+, anti-racistes etc. Dès que je parle d’écriture inclusive, il y a toujours quelqu’un pour me dire « ça va, y a plus grave, regarde les viols par exemple ». Oui, les viols sont « plus graves » que le sexisme dans l’écriture. Sauf que les deux font partie du même système (le patriarcat) et qu’on ne peut en résoudre aucun de manière isolée : il faut agir sur l’ensemble du système.

Mais pourtant, Assia, tous ces arguments, tu les utilises dans ta com, non ?

Indeed, j’utilise également des mots valises, des raccourcis et j’ai même, dans le passé, proposé de planter des arbres aux personnes qui achetaient mes créations. Pourtant, je ne fais pas du greenwashing (promis !)

En fait, ne pas faire du greenwashing, c’est très facile : il suffit d’être honnête ! En toute transparence, lorsque je parle de ce que je fais pour la planète, je parle aussi de ce que je ne fais pas (encore). Je fais preuve d’humilité, j’ai conscience de la complexité du problème et je ne prétends pas le résoudre. Je me renseigne sur les moyens d’être « plus verte », je les analyse, je me forge ma propre opinion. Je tente de mener plusieurs combats de front, tout en sachant que je n’ai pas la maîtrise de toutes les externalités liées à mon business. Enfin, je questionne mes certitudes, mon système, mes croyances, en essayant que chaque jour soit meilleur que le précédent.

Chez ASSIAKARA, vous n’aurez jamais la promesse d’avoir un vêtement parfait, meilleur que tout ce qui se fait ailleurs. Par contre, vous serez toujours face à une marque qui fait de son mieux. Et qui fera peut-être encore plus mieux, grâce à vos commentaires et réactions à cet article ! 💪


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