C’est une phrase qui m’a toujours un peu ennuyée : pourquoi on ne ferait pas ce qu’il nous plaît le reste du temps?

 

Suivant cette philosophie de vie, j’ai toujours mis un point d’honneur à m’habiller comme j’en avais envie, sans jamais tenir compte du regard des autres. Et tant pis si je reçois des regards de travers et si des blaireaux se moquent de moi en cachette.

Cette confiance en moi, je l’ai acquise grâce au vêtement. Et toute ma vie, j’ai toujours milité pour que tout le monde trouve cette confiance. «Affranchissez-vous du regard des autres», «osez porter les vêtements qui vous plaisent vraiment»… C’est aussi sur cette base que j’ai créé ma marque, avec comme objectif de proposer des vêtements pour t’exprimer, quel que soit ton corps, quel que soit ton genre.

 

Alors si tout va bien, il va parler de quoi cet article ?

 

 

Hé bien il va tout simplement parler d’une prise de conscience : je suis une femme blanche*, mince, valide, cis, hétéro.

 

Ah bon, ça se voit pas ? 🙃

C’est en discutant avec Clémence Mouellé de l’association Find Yourself que ce truc me frappe en pleine gueule : Alors que j’ai passé toute ma vie à prôner la place du vêtement comme moyen d’expression, je réalise en discutant avec une femme noire qu’elle n’y accorde pas tant d’importance. Que, en tout cas, devant sa garderobe, elle ne réfléchit pas uniquement à « ce qu’elle a envie de porter, d’exprimer » mais aussi à la réception de sa tenue par le monde extérieur.

C'était dans cet épisode de Bien dans son corps, bien dans ses fringues, bientôt dispo en podcast 😉

Et là, y a 2 catégories de personnes qui se sont formées dans ma tête :

  • celles qui se disent « ben sans blague, tu croyais vraiment que la vie était si facile pour tout le monde »
  • et celles qui, comme moi ce jour-là, tombent des nues en mode « quoi y a des gens qui font passer le regard des autres au-dessus de leurs propres envies vestimentaires ??? » 

C’était pas la première fois.

Bon, j’exagère un peu quand je dis que je n’y avais jamais réfléchi. En fait, j’ai eu une autre prise de conscience quelques années auparavant. C’était un jour d’été, il faisait chaud. Je devais aller faire une course et donc j’enfile ma robe légère. Celle-là.

Je sors de chez moi pour aller prendre le bus et je commence à me sentir inconfortable. Cette robe, que j’avais pourtant portée maintes fois les étés précédent, me semblait tout à coup malaisante. Son décolleté trop profond, sa longueur trop risquée, son dos pas assez protégé. Alors qu’il faisait une chaleur étouffante, j’ai décidé de mettre ma veste par dessus. L’inconfort de la chaleur n’était rien par rapport à l’inconfort d’être une cible potentielle.

Qu’y avait-il de différent, cette fois-là? J’aime mes jambes, je porte donc des robes très courtes depuis longtemps. Est-ce que je vieillis? 

Ce que ça fait malgré moi, ça me met en colère

Ce jour-là, j’ai eu l’impression que j’étais passée dans une nouvelle catégorie de conscience : jusque-là, en effet, je m’habillais pour moi. Si des personnes avaient un avis sur mon corps, mon look ou autre chose, je les laissais avec leurs avis, sans m’en soucier.

Mais, après un confinement passé à écouter des podcasts féministes, ignorer la réalité dégueulasse du monde n’était plus possible.

J’étais comme un enfant qui découvre que (spoiler alert) le Père Noël n’existe pas : la légèreté d’esprit, la naïveté avec laquelle je choisissais mes vêtements auparavant avait disparu. Désormais, j’avais découvert la triste vérité : mes vêtements, mon corps, sont regardés par le monde extérieur (ça je le savais, pas de stress, c’est ok) et il considère que c’est MA responsabilité de gérer les regards, les remarques et les potentielles violences.

Ce jour-là, j’ai compris ce que c’était d’intérioriser les normes, les oppressions, parce qu’on a PEUR.

Pas une peur concrète, d’une personne en particulier, d’une situation spécifiquement dangereuse. Non, juste peur de ce que le monde pourrait faire-dire-penser à cause de mes vêtements.

A 30 ans, je découvrais cette peur avec laquelle tant de personnes vivent au quotidien, juste parce que leur corps, leur être n’est par défaut pas accepté dans la société.

Je l’ai vécu une fois et ça m’a donné envie de tout casser. Je n’ose pas imaginer ce que c’est de le vivre non stop, depuis toujours.

C’est MON moyen d’expression, laissez-moi au moins ça

L’espace public est largement dominé par les hommes. On les entends plus, on les écoute plus, on les voit plus. En tant que fille puis en tant que femme, j’ai vite décidé que je n’allais pas m’épuiser à crier pour être entendue. Alors, comme beaucoup, j’ai opté pour un moyen d’expression plus silencieux : le vêtement.

C’est marrant comme, dès lors que le vêtement a été considéré comme « féminin », il a aussi gagné la caractéristique « futile ». Alors même que c’est le seul endroit dans lequel les femmes ont plus de libertés que les hommes, c’est aussi l’un des domaines considérés comme complètement superficiel. Pratique pour continuer à ne pas nous écouter. 

Vivre des situations où, justement, mes vêtements deviennent des instruments d’oppression, c’est juste inenvisageable. C’est pour ça que je n’ai pas supporté la remarque d’un patron de café, quand je suis passée devant son établissement en portant ça :

Mais qu’est-ce qu’il a bien pu dire, sur ma tenue, ce monsieur, pour que je sorte de mes gonds? Quelle remarque sexiste peut être proférée face à une tenue aussi couvrante?

Je ne me rappelle plus des mots utilisés. Par contre, je me souviens exactement de quoi il parlait : je ne porte pas de soutien gorge et mes seins « balançaient » sous mon top, puisque je marchais. Fort de sa position d’homme cis hétéro blanc mince valide et patron de café (? 🤷‍♀️) il m’a crié après en faisant une remarque sur ma poitrine. Il l’a fait en se sentant tellement invincible !

Vous auriez du voir sa tête quand je suis revenue sur mes pas pour le confronter.

Il n’osait pas me regarder dans les yeux, me jurais que ce n’était pas à moi qu’il parlait, me disait que j’avais mal entendu. Bref, toutes les excuses que les personnes privilégiées utilisent toujours pour justifier leurs actes de domination. Soit. Après lui avoir dit, sans perdre ma confiance en moi, qu’on ne parle pas comme ça aux gens et que je ne gobais pas ses mensonges, je suis repartie. Il a osé relancer une seconde remarque que, pour ma santé mentale, j’ai choisi d’ignorer. 

Ce mec est un gros loser, on est d’accord. N’empêche qu’il a fièrement tenté de me voler le seul moyen d’expression que le patriarcat m’accorde. Alors non, je ne laisse pas passer ça. Ce jour-là, j’ai repris en main ma narrative : cette expérience m’a redonné la colère nécessaire pour oser à nouveau porter ce que je voulais, sans aucune considération pour le monde extérieur. Et je n’ai eu qu’une envie après ça : transmettre cette énergie!

Facile à dire pour une meuf blanche, cis, mince et valide!

Indeed. Mon témoignage doit sembler tellement banal pour celleux dont c’est le quotidien de se prendre des remarques et de vivre dans la peur. Et franchement, trouver l’énergie journalière pour affronter l’hostilité du monde (et des dominants) ça doit être épuisant.

Intérioriser ces oppressions, et du coup se créer un « style » qui permet de diminuer les remarques, est une stratégie qui a du sens. Pour autant, je me demande s’il n’y aurait pas une autre voie à suivre. Si nous sommes de plus en plus nombreux-ses à condamner ce type de remarques, à critiquer les critiqueurs plutôt que les critiqué-e-s, à arrêter de fermer les yeux et les oreilles sur les commentaires discriminants, peut-être qu’on pourrait arriver à un monde où la gestion de ces piques n’est plus de la responsabilité de la victime. Plutôt que de laisser le soin aux personnes dominées de s’habiller de manière à « ne pas déranger », on pourrait prendre collectivement la responsabilité, pas juste de ne pas juger les tenues des autres, mais aussi, de manière proactive, de refuser les propos discriminants. Pour que, in fine, on puisse toustes avoir les mêmes chances de pouvoir s’exprimer, à travers des vêtements ou d’autres médiums, de manière aussi safe que ce que moi, femme cis hétéro blanche mince et valide, je vis au quotidien !

 

Et donc, plutôt que de dire « en mai, fais ce qu’il te plaît », je propose de dire

« en mai (et le reste du temps), mets des choses en place pour permettre à toustes de faire ce qui leur plait ! »

 

*je précise juste que je suis en réalité métisse, mais avec un passing de blanche. Je suis perçue comme blanche même si, dans les faits, j'ai une expérience de vie qui fait que je ne m'identifie pas comme blanche.

Comments

  • Linnea Rosenstengel said:

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