Ces dernières années, on a vu apparaître une série de nouvelles étiquettes, pas toujours facile à comprendre ni à distinguer. Effet de mode ? Ou plutôt recalibrage complet de notre vision du monde ? 🕵️♀️
Dans cet article, je vous propose de cheminer ensemble le long d’un raisonnement plutôt classique, qui a en partie été le mien, pour essayer de comprendre d’où viennent ces nouveaux mots et quelle place ils peuvent prendre dans notre société.
Il n’y a que des femmes et des hommes, c’est biologique !
On entend souvent que si la nature nous a donné des corps différents et complémentaires (niveau reproductif) c’est bien qu’elle nous a voulus binaires. C’est en partie vrai : notre système de reproduction est binaire.
Chez les êtres humains, comme chez la plupart des êtres vivants, il y a des mâles et des femelles. Et des intersexes 🤫 Alors oui, c’est vrai, les intersexes sont en minorité (environ 1,7% de la population). Mais bon… les roux-sses aussi, ce n’est pas pour autant qu’on nie leur existence et qu’on les mutile pour les rendre brun-e-s ou blond-e-s.
Mais revenons à notre binarité. Un homme ou une femme, biologiquement, c’est quoi ? Pour résumer, c’est un ensemble de caractéristiques comme les hormones, les organes reproductifs ou encore les chromosomes. Ca reprend aussi les caractères sexuels secondaires, comme les seins, ou la pilosité faciale (en partie liés aux hormones).
Où range-t-on un bébé qui naît avec un testicule et un ovaire ? une femme à barbe ?
La logique voudrait que si on ne sait pas ranger tout le monde dans des cases, on change le système de division. Mais… nos aïeux ont préféré la facilité : mutiler et discriminer.
Pour creuser un peu le sujet de la « nature », je vous invite vraiment à écouter cet épisode des Couilles sur la table qui explique et résume bien toute une série d’enjeux !
Homme, femme, intersexe, ok… mais ça reste biologique !
Le sexe est biologique, le genre est sociologique. Mais alors pourquoi on les confond toujours ? Bon, là où le patriarcat a fait très fort, c’est en utilisant habilement le langage.
Tadaaaa ! On utilise le même mot pour parler d’un ensemble de caractéristiques physique et d’un ensemble de caractéristiques sociologiques. Résultat : le raccourci est vite fait. Ceux qui naissent hommes sont des hommes, celles qui naissent femme sont des femmes (et on s’en fout des intersexes vu qu’on les fait rentrer à coup de chirurgie dans l’une des deux cases).
🤓 J’avoue, c’est très malin. C’est cet élément de langage qui a permis de confondre le sexe et le genre au point de ne même plus les différencier. Car si on observe des distinctions au niveau du genre depuis l’Antiquité (éducation, vêtements, responsabilités,…), ce n’est que dans les années 1950 que le terme « genre » est enfin employé pour opérer la distinction entre ce qui est physiologique et ce qui ne l’est pas.
Remarquez que je ne parle pas de la préhistoire qui, offrant peu d’auto-représentations et de descriptions, a laissé trop souvent la place à une interprétation hyper contemporaine (les hommes partent à la chasse, les femmes gardent les enfants… c’est vite dit !)
En tout cas, ce qu’on peut dire c’est que d’une manière consciente ou non, il y a eu, à un moment de l’histoire, une domination masculine, qui a entraîné toujours plus de domination masculine. C’est ce qu’on appelle communément le patriarcat.
Dans ce système, on a des cases (toujours deux, parce que 3, ça commence à faire beaucoup) qui ont un ordre (je vous laisse deviner qui est au dessus). Cet ordre est justifié par les sciences naturelles (donc le sexe), l’histoire (donc l’interprétation de sources a posteriori) ou encore l’observation (on voit bien que les femmes préfèrent éduquer les enfants !)
Le truc, vous me voyez venir, c’est que tout ça est … totalement subjectif !
On peut faire dire à peu près ce qu’on veut à la science, l’histoire, ou l’observation, comme nous le démontrent magnifiquement bien les platistes.
Mais alors, le genre, c’est un choix ?
Et donc, on peut choisir de ne pas en faire tout un foin ! Oui…et non !
En fait, le genre, c’est à la fois en nous et hors de nous. C’est à la fois comment on se sent et ce qu’on renvoie comme image.
Se sentir homme, femme, agenre, fluide, non-binaire,… ça nous appartient. En général, on ne choisit pas de se sentir ceci ou cela.
Quel que soit le ressenti, on peut toujours choisir de s’habiller en robe rose à froufrous ou en costume 3 pièces, de devenir sage-femme ou mécanicien… Pour peu qu’on aie vraiment le choix !
L’expression de genre est a priori un domaine sur lequel chacun-e a une emprise, puisqu’il s’agit d’une série d’actions qu’on pose. Mais résumer l’expression de genre à des choix, c’est occulter tous les mécanismes de pression sociale, familiale, sociétale. Car tant qu’un petit garçon qui veut mettre des talons se fait réprimer par ses parents, tant qu’une petite fille n’a pas le droit de jouer au foot dans la cour de récré, tant qu’on obligera une personne non-binaire à cocher « Monsieur » ou « Madame » dans un formulaire… faire ces choix demande énormément de courage, transformant la personne en cible pour des insultes, des menaces, voire des violences.
Alors parfois, même si on se sentirait mieux dans d’autres vêtements, d’autres activités, d’autres goûts… on fait le choix de se protéger.
Ok, mais est-ce que c’est vraiment utile d’inventer autant de nouvelles cases, alors qu’au final on est toustes des humain-e-s ?
Dans une société où il n’existe que deux genres (homme et femme), plein de gens se sentent « autre chose ». Certain-e-s ne sont pas du tout à l’aise dans le genre qui leur a été assigné à la naissance, d’autres sont moyennent bien, d’autres encore sont parfois à fond dedans, parfois dégouté-e-s. Et c’est ici que les étiquettes peuvent être utiles !
Quand on est « mal dans sa peau », mal dans son genre, on parle de dysphorie de genre. Ce sentiment peut être fort ou faible, continu ou occasionnel, mais en tout cas, il est négatif.
💖 A l’inverse, l’euphorie de genre, c’est se sentir bien, en adéquation avec son genre. Dans un monde patriarcal, les hommes qui se sentent hommes et les femmes qui se sentent femmes vivent bien la binarité. Mais quid de toutes les autres personnes ? Elles souffrent bien souvent de dysphorie de genre. Et, spoiler alert, ce n’est pas en les forçant à rentrer dans deux cases hyper exclusives qu’on fera disparaître leur mal-être.
Pour vous, ça peut vouloir dire très peu, mais pour une personne en dysphorie de genre, pouvoir mettre des mots sur le genre dans lequel elle se sent la plus à l’aise, c’est souvent une révolution !
Je ne peux pas prédire l’avenir, mais j’espère personnellement que ces « nouvelles cases » sont une étape, vers une société sans plus aucune case, où chacun-e peut être qui iel veut sans prendre aucun risque en l’exprimant. Tout comme les systèmes très critiquables de quotas, il s’agit pour moi d’un passage obligé pour s’éloigner d’une norme hyper forte et hyper ancrée.
On a souvent un réflexe de protection d’un status quo. Face à la nouveauté, on se braque, et on questionne le pourquoi… alors même que l’ancienne norme n’est jamais remise en cause. Pour passer de la binarité à la liberté totale de genre, peut-être que la multiplicité des identités est une voie utile. Sans nier les défauts de ce nouveau système, on peut difficilement soutenir que le patriarcat binaire est plus tolérant que la liste des 52 genres.
L’important est, encore une fois, de ne pas se reposer sur ses lauriers. De voir ces changements comme des nouvelles normes, certes, mais éphémères et évolutives ✌️