💭Je me balade dans un magasin. OMG ce pantalon est fait pour moi ! Bon, il ne reste qu’une taille 34 mais allez, en serrant un peu, j’arriverai à rentrer dedans. De toute façon, j’avais prévu de perdre du poids cette année.💭
Sounds familiar? Même si ton expérience à toi, c’est avec une autre taille ou un autre vêtement, la conclusion est la même : on est à peu près toustes prêt-e-s à se faire violence pour « rentrer » dans un vêtement. Depuis plusieurs décennies, ces chiffres et lettres régissent notre garde-robe. Iels nous persuadent qu’on est trop ceci, pas assez cela : bref, que c’est notre corps qui déconne. Et si le problème ce n’était pas nous, mais ce 🤬 système de tailles? C’est ce qu’on va découvrir! 🕵️
On N’a PAS toujours fait comme ça
Comme bien souvent, quand je déconstruis une certitude, mon meilleur allié c’est l’histoire ! Alors à ton avis, en quelle année a été inventé le premier guide de tailles? Avant ou après la naissance du mot « féministe »? (c’est en 1872, comme ça ça te fait une anecdote intéressante à ressortir)
On doit le premier patron gradé à un couple de tailleurs américains : en 1863 (donc juste avant le mot « féministe »), Ellen et Ebenezer Butterick révolutionnent le monde de la couture en proposant un même patron en plusieurs tailles.
Mais comment faisait-on avant ?
Avant cette invention des Buttericks, les patrons étaient uniquement créés pour une seule taille. Mais ce n’était pas forcément une taille « standard » : le monde de la mode était beaucoup moins uniforme qu’aujourd’hui. A l’époque, l’achat d’un vêtement était assorti d’essayages et de retouches. Bref, le « sur commande, sur mesure » c’est loin d’être nouveau ! Evidemment, la Révolution Industrielle passant par là, la gradation est rapidement rentrée dans les mœurs.
Source : https://genealogylady.net/2015/10/04/fashion-moments-ebenezer-butterick/
La norme vs la réalité
Nouvelle devinette : à ton avis, c’est quoi la taille moyenne de la population féminine?
On voit apparaître des chiffres de plus en plus petits pour désigner les tailles… alors qu’à l’échelle globale, nous sommes plus grosses qu’il y a 50 ans. Mais, culte de la minceur oblige, les tailles en vente dans les magasins dépassent rarement le 44. Ce n’est pas un secret, les tailles varient en fonction des marques et des pays. La « norme », où qu’on soit, c’est 38. Mais derrière ce chiffre se cachent en fait des mesures très différentes, selon où et quand on se trouve !
Les marque se sont aperçues que ça nous fait plaisir de « rentrer » dans une taille plus petite (oui, c’est normal, elles nous ont rabâché qu’on était trop grosses toute notre vie!) Du coup, elles se sont mises à décaler simplement les chiffres qu’on connaît en adaptant les mesures qui ne veulent absolument rien dire pour nous. Résultat : tu as l’impression que tu as maigri et tu consommes plus!
🙋 La réponse à ma devinette ? C’est 40-42 (porté par 1/3 des femmes françaises). Une moyenne qui n’est pas tout à fait représentée dans nos fringues, donc.
oui, je sais, il y a plus de femmes qui font une taille 70 que 32 et pourtant tu ne savais même pas que ça existait !
🙊 Et la mode éthique et éco-responsable est malheureusement à la traîne sur ces questions. En fait, créer un stock de vêtements dans autant de tailles différentes, c’est prendre le risque qu’ils ne soient pas vendus (ce qui va à l’encontre des principes d’une marque responsable). Et les grandes tailles, ça consomme plus de tissu que les petites, donc ça revient plus cher (alors que les textiles éco-responsables sont déjà assez chers par rapport aux autres). Pourtant, si on fait le calcul, il y a sans doute beaucoup plus d’opportunités business au-delà du 42 qu’en dessous ! Alors, la mode éthique, tu nous préviens quand tu t’engages un peu plus dans l’inclusivité?
Si cette réflexion t’intéresse, c'est un sujet dont on a pas mal parlé avec Adeline de Weco Store dans mon podcast « Bien dans son corps, bien dans ses fringues » 👇
Le guide des tailles, toujours genré ?
Tu commences à l’entrevoir : le système de tailles est plein d’absurdités!
Les tailles sont l’un des plus grands alliés de la mode genrée. Car encore une fois, au lieu de refléter la réalité de la diversité de nos corps, elles norment les hommes et les femmes de manière complètement différente !
Lorsque j’ai lancé ma marque de vêtements non genrés, j’avais l’espoir de créer un système de tailles unisexe en faisant coïncider mes deux livres de gradation. Et… voilà ce que j’ai réussi à faire :
En fait, les tailles hommes et femmes sont construire de manière très différentes. La norme de départ n’est pas la même : un homme est plus grand, plus musclé, plus droit. Une femme est petite et mince, a de la poitrine et des hanches, une taille fine.
Et là, tu te dis peut-être « ben oui, ce sont des faits »… sauf qu’encore une fois, c’est le patriarcat qui est rentré dans ton esprit!
Déjà, ces termes « homme » et « femme » pour parler de nos corps mettent de côté toutes les personnes non binaires et/ou qui ne se reconnaissent pas dans cette binarité de genre. Mais c’est loin d’être le seul problème ! Selon une étude réalisée en 2016 par le feu site Clickndress, voici les mensurations de l’homme français moyen :
Selon mon guide de tailles pour la gradation, il fait un 48-50… mais sa hauteur totale est plus petite quel la plus petite taille de mon tableau 🤦♀️
Et puis, de manière générale, le concept de la gradation et des guides de tailles, c’est d’évoluer de manière linéaire : on garde les mêmes proportions mais elles augmentent ou diminuent simplement. Or, c’est une logique qui fait complètement abstraction des morphologies.
Actuellement, on commence à voir fleurir les marques unisexes, non genrées, androgynes... alors je me suis penchée sur leurs guides de tailles. Et dans l'écrasante majorité des cas, voilà ce qu'on y trouve :
"Si vous êtes un homme, prenez votre taille habituelle. Si vous êtes une femme, prenez une taille en-dessous".
Bon, on doit pas vraiment avoir la même définition de ce que veut dire non genré 😅 Evidemment, ça s'explique par le fait que ces marques ne sont pas non genrées, mais proposent simplement une mode "masculin neutre" : des vêtements créés pour hommes, avec un patron et une gradation homme, mais qui peuvent être portés par des femmes. Sorry, je suis peut-être un peu trop ambitieuse pour mon industrie !
L’avenir de la mode est-il anti-guide de tailles ?
Si j’en suis arrivée à faire des vêtements sur mesure, ce n’est pas juste parce que j’ai voulu me compliquer la tâche, au contraire : j’ai réalisé que pour créer des vêtements réellement inclusifs, pour tous les corps et pour tous les genres, c’était la seule solution logique, réaliste et respectueuse de toustes ! 🤗🤗🤗