Bien entendu, je trouve réjouissant que les frontières du genre soient de plus en plus brouillées quand il s’agit de vêtements ! Mais quand j’entends « jupe pour homme », j’entends surtout « sorry, on n’en a pas encore fini avec le patriarcat ! » 🤷♀️
Avant, tout le monde portait des jupes/robes
Sans refaire en détails l’histoire du vêtement, on peut dire que, du début de l’humanité à grosso modo le XVème siècle, tout le monde porte des vêtements ouverts : en gros, des jupes et des robes 👗
Le passage au pantalon est progressif et lié à une question de confort… Mais aussi et surtout à un développement de plus en plus sexiste et genré de la société !
@assiakara.fashion Un peu d’histoire 📖 👖 #fashionhistory #histoiredelamode #pantalon #pantalonhomme #pantalonfemme #genre #nongenre #sexisme #parriarcat ♬ son original - assiakara
A partir du moment où la mode masculine et la mode féminine ont commencé à être différenciées, on est entré-e-s dans une nouvelle ère :
- le vêtement féminin est contraignant, volumineux et extravagant
- le vêtement masculin est confortable, pratique et sobre
Encore une fois, cette différence est complètement artificielle : elle est le reflet d’une société aux injonctions multiples et très genrées, de « il faut souffrir pour être belle » à « les couleurs, ça ne fait pas sérieux ».
Quand les femmes ont commencé à porter des pantalons, au XXeme siècle la société toujours aussi genrée a continué à perpétuer ces différences : des poches minuscules, des coupes moulantes, des couleurs et formes inédites pour les pantalons femmes, des modèles simples, droits et bleu marine/anthracite/gris pour les pantalons homme. De manière générale, les préjugés de genre attribués aux vêtements ultra différents des siècles précédents (on parle d’une crinoline vs un costume 3 pièces) se sont immiscés dans des vêtements de nature aussi proches qu’un jeans pour homme et un jeans pour femme.
Et quand les hommes ont recommencé à porter des jupes ? Ben oui, c’est le même principe 🤦♀️
jupe féminine vs jupe masculine
En réalité, les premiers hommes du XXème siècle qui ont porté des jupes n’avaient pas tellement de choix en ce qui concerne leur shopping : depuis presque 5 siècles, ce genre de vêtements était fabriqué uniquement pour des femmes (avec tous les froufrous et motifs qui s’en suivent). Résultat : ils vont aller chercher leurs jupes et robes dans le rayon « femme ». Et là, forcément, ça fait du bruit dans les chaumières : un homme avec des vêtements de femme, ça ne passe pas.
David Bowie, "The Man Who Sold The World", 1970
Heureusement, certains stylistes ont trouvé la solution ! De Jean Paul Gaultier à Marc Jacobs, on voit apparaître au fil des années de plus en plus de propositions de jupes pour hommes. Et à chaque fois, des articles qui célèbrent la fin des stéréotypes de genre ! Sauf que…
Vous l’avez remarqué ? Alors qu’elles promettent de s’affranchir des normes de genre, ces « jupes pour hommes » reprennent exactement les mêmes stéréotypes de genre que tout le vestiaire masculin ! Où sont les couleurs ? Les matières un peu fun ? Les découpes, les plis, les froufrous ?
A chaque fois, donc, qu’on parle de « jupe pour homme », on parle toujours bien d’un vêtement genré : c’est un autre morceau de tissu, drapé d’une autre manière, mais qui respecte encore et toujours ces mêmes codes ultra sexistes de la mode masculine.
Et… y a même un petit détail supplémentaire : dans les catalogues de « jupes pour hommes », on retrouve des jupes très longues (jusqu’au sol) et des jupes jusqu’aux genoux. En gros, des longueurs quand même assez couvrantes, contrairement à ce qu’on trouve généralement dans les propositions de jupes pour femmes.
Comme si le corps des hommes n’était pas autant à disposition du reste du monde que le corps des femmes.
Et le kilt alors ?
Hé oui, quand on parle de jupe pour homme, comment ne pas parler du kilt !
Déjà parce que chaque fois que j’associe les deux mots, j’ai au moins une personne qui ose me répondre « un kilt c’est pas une jupe » et franchement, si tu penses ça, remplace « jupe » par « vêtement ouvert » dans tout mon article et on arrive au même point 🙃
Bref, le kilt c’est donc un vêtement traditionnel écossais qui date du XVIème siècle et qui est encore régulièrement porté aujourd’hui, notamment lors de grandes occasions.
Mais vous l’aurez compris : cette jupe écossaise reste bel et bien dans la lignée des jupes pour homme, privilégiant le confort et la sobriété. Et puis, traditionnellement, les femmes ne peuvent pas en porter. D’ailleurs, si vous tapez « kilt pour femme » sur google, ce sont principalement des mini-jupes ultra sexy à imprimé tartan qui ressortent, non pas des tenues traditionnelles.
Une jupe non genrée, LA solution ?
Je vous ai déjà longuement parlé de ce qui m’ennuyais dans la mode « unisexe » et pour moi, la tendance de la jupe pour homme essuie les mêmes critiques. Et c'est la raison pour laquelle, perso, je crois à fond au non genré!
Parce que finalement, ce qui est important pour qu'un vêtement soit non genré, ce n'est pas que ce soit une jupe, un short, une chemise, un pantalon ou une robe. Non, ce qui compte, c'est que ce vêtement soit totalement affranchi de la notion de genre, et ce, dès le moment de sa conception.
En bref : jupe ou pas jupe, quel que soit ton corps, quel que soit ton genre, portes des fringues qui te plaisent et qui te font te sentir à l’aise !
Commentaires
Fred:
Bonjour. Merci pour votre blog. En fait, pour bien comprendre la différence mâle-femelle en matière de mode, il faut en revenir au corps lui-même. Il serait temps de réaliser que c’est le corps masculin qui est tabou, indigne d’être montré (sauf dans l’intimité). L’homme est sur terre pour travailler, se battre, et s’occuper des femmes. La femme est sur terre pour s’occuper d’elle. C’est toute la différence. Je comprends les commentaires qui parlent de la tristesse de la mode masculine. Une mode masculine agréable, légère (toujours ces énormes boots noires ridicules!) et sensuelle existera quand les hommes s’accorderont le droit de se faire plaisir en oubliant toute notion de “virilité”. J’entends citer souvent “ces endroits de la terre où les hommes portent des robes” : il y a deux sortes de vêtements : ceux qui cachent, et ceux qui montrent! La plupart des jupes et robes pour hommes cachent le corps, comme si les hommes en avaient honte! Moi, je m’habille en robe et jupe depuis plusieurs années, uniquement avec des vêtements de femme (beaucoup moins chers!), je porte même des sandales sexy (ah, le tabou des pieds des hommes!) et je puis vous assurer que les femmes sont en général bien plus aimables à mon égard que les hommes.
24 août, 2024
Amine :
Madame/monsieur,
Je suis d’accord avec vous, la jupe pour homme est encore trop masculine, les marques voulant conserver la distinction de genre entre les deux sexes avec des coupes pour les hommes, généralement droite et pas très large, et des coupes femme, plus volumineuse, et avec des matières très différentes entre les deux, généralement du coton pour l’homme et d’autres matières comme la soie ou la dentelle pour les femmes.
J’aime beaucoup votre boutique, mais je vous suggère de proposer d’avantage de jupes et de robes (façon Harry styles par exemple), car aujourd’hui on ne se contentent que d’un modèle. On aimerait bien avoir le choix quand on va dans une boutique non genrée (diversité des coupes, des matières par exemple tulle, en dentelle, satin, nylon etc).
Voilà
20 janvier, 2024
david:
D’accord, mais n’oublions pas le poids de la religion dans les différences vestimentaires, notamment le fameux deuteuronome 22.5 brandit par les associations catholiques intégristes.
Différencier les hommes et les femmes radicalement au niveau vestimentaire permet aussi de flicquer en douce la société puisque d’un coup d’oeil on peut voir de loin par les vêtements qui est homme et qui est femme (inquisition en ousdé).
Vous évoquez dans les différences de pantalons masculins/ féminins, par exemple pourquoi les pantalons flare (pattes d’eph) ne reviennent jamais à la mode pour les hommes alors qu’ils étaient unisexes dans les années 1960-70? Toujours les préjugés et notamment l’obligation d’être un mâle alpha en look caillera de cité en futal baggy ou survet’, car depuis la fin des 1990’s nous les mecs sommes assignés au casual ou au street wear “caillera”.
La proposition qui nous est faite en matière de vêtements s’est très appauvris depuis vingt ans, plus moyen par exemple de trouver un imper trench (gabardine ou ciré ou cuir) depuis par exemple alors que ça reste courant aux rayons femmes, plus de couleurs en dehors du gris-beigeasse ou de bleu-noir. Au rayon chaussures plus de bottes en cuir (santiags, cavalières…) ou même de boots élégants; que des baskets et leurs dérivés, et deux modèles de chaussures de ville, point barre.
Tout ceci parce qu’il faut ressembler à tel rappeur ou tel fouteux friqué people, bref mâle alpha (du moins supposé comme tel). Ras le bol!! beaucoup de mecs comme moi en ont en fait marre, s’ennuient ferme dans les
rayons de fringues hommes, c’est toujours pareil, toujours aussi pauvre, triste et ennuyeux.
Confort du pantalon? Oui, mais alors que tout récemment pour les futals stretch.
Le kilt: je le porte depuis 20 ans dont les 5 dernières années au quotidien y compris boulot. Je commande mes kilts sur des sites qui en proposent dans diffférentes matières, j’en ai 3 en cuir; 3 en tissus camo à titre d’exemple.
En tout cas bon blog.
06 décembre, 2023